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Le Temple de Dông Du'o'ng

Extrait du catalogue du Musée de Sculpture Cam de Dà Nang, Ed. de l'AFAI, 1997 - pp. 66-70.

Placé sous le vocable de Laksmindra Lokesvara (en associant le nom de Bodhisattva au nom personnel du souverain), a été fondé, au plus tard, en 875. Cet ensemble remarquablement composé est aussi le seul exemple, à cette date et pour longtemps, d'une archi-tecture parfaitement adaptée au culte bouddhique, tout en conservant édifices et procédés traditionnels. L'ensemble, axé assez exactement est-ouest, s'éten-dait sur 1300 m, le temple proprement dit, entièrement édifié en brique, couvrant environ 150 m sur 110 m, non compris le gopura extérieur d'accès (incomplè-tement dégagé, et aujourd'hui détruit). Divisé en trois cours successives closes de murs richement ornés, il comprenait, d'est en ouest :

 

1) Précédée d'un vaste Gopura, avec chapelles latérales, qui compte parmi les plus belles réa-lisations de l'art du Campa, une nef imposante avec bas-côtés dont la toiture, sur la char-pente, était  supportée par des piliers importants de section cruciforme ; probable vihara*, un autel monumental, supportant une grande image du Buddha, en occupait le fond.

2) Un deuxième gopura répétant, mais avec des dimensions plus modestes, les dispositions du premier, permettait d'accéder à la deuxième cour, occupée par une grande salle, cou-verte elle aussi sur charpente, qui semble annoncer les belles réalisations de My So'n D1 et D2.


3) L' enceinte la plus occidentale, close de murs très ornés sur l'extérieur et comportant inté-rieurement neuf templions pour les divinités gardiennes des orients (dispositions reprises à My So'n A et B ; cf. à ce sujet notre étude sur les sculptures du Museum Rietberg de Zurich) était desservi par le plus riche gopura de l'ensemble. Elle enfermait, autour d'un imposant sanc-tuaire principal précédé d'un mandapa, neuf autres sanctuaires ou salles implantés sans réel souci de symétrie. Le sanctuaire comportait un autel assez comparable à celui du vihara. L'ensemble était complété de grands stûpa* en brique, sorte de pilônes surmontés d'un haut empilement de parasols stylisés, encadrant et précédant chacun des gopura, et d'aligne-ments de petits stûpa jouant le rôle de bornes et délimitant les aires consacrées.

Le temple était grandiose et révélait, dans une réalisation unique et une ampleur excep-tionnelle, ce sens de l'architecture si propre au Campa. Le décor, par contre, moins discret qu'à Hoà Lai, paraît moins subordonné à la construction. Renchérissant sur des tendances manifestées, semble-t-il, à Po Dam, il tend à devenir plus lourd et, dans les parties ache-vées du temple, il paraît envahissant. Les arcatures, grandes et petites, se couvrent de lar-ges fleurons imbriqués et de pesantes guirlandes se suspendent aux corniches. Sur les pilastres, crosses de feuillage et rinceaux, déroulés et étirés, prennent un caractère un peu mécanique. Cette évolution et cette prolifération des motifs décoratifs "vermiculés", asso-ciés à de lourds fleurons, affecteront aussi bien les parures des statues et ne sont pas, sans doute, ce qui apparait de plus positif dans l'art de Dông Du'o'ng. Encore que la plupart de ces motifs soient manifestement inspirés par l'Indonésie, il y a loin de l'interprétation cam à la distinction de ses modèles. Déroutante de prime abord, l'esthétique de Dông Du'o'ng paraît toute entière orientée vers une recherche de grandeur sereine en accord avec l'idéal religieux. Elle parvient même à réaliser l'union de ces tendances contradic-toires que sont le hiératisme, la douceur de la vie et la violence du mouvement parce qu'elle a su utiliser chacune d'elle dans des buts bien précis... Ainsi, à des corps sché-matisés à l'extrême, répondent des visages dont les traits sont exagérés, stylisés d'une manière presque outran-cière dans laquelle on a parfois proposé, un peu à la légère pensons-nous, de reconnaître des caractères ethniques. Le plus curieux est qu'un art aussi outrancier soit parvenu à mettre ces exagérations aussi bien au service d'une douceur souriante que d'une sérénité pleine de grandeur selon qu'il représentait religieux, donateurs ou dieux gardiens... Les mimiques de la colère édifiante, elles, sont empruntées à la Chine. Nous en retrouve-rons encore les échos en plein XIIe siècle.


Quoi qu'il en soit la statuaire si profondément originale de Dông Du'o'ng ne pouvait man-quer d'exercer une influence qui déborde les cadres du Mahayana (têtes sivaïques de Qua Giang, par exemple), et paraît assez durable (jusque vers 925 sans doute).

Quant à la tendance au hiératisme, elle s'observe également en architecture. Si, sur le site de My So'n, les sanctuaires A 13 et B 4 semblent relever de l'art de Dông Du'o'ng, A 13 (très ruiné) annonce déjà, à bien des égards, avec un décor moins lourd sinon plus aéré, les tendances qui prévaudront vers la fin du premier quart du Xe siècle.
Pour en finir avec un style si remarquable à tout point de vue, indiquons qu'une parure de statue, en or repoussé, très proche par son décor des exemples fournis par la sculpture de Dông Du'o'ng, avait été décou-verte à My So'n C 7, monument de transition entre Hoà Lai et  Dông Du'o'ng ; une parure analogue, en argent celle-là, existe également.

 

La Lettre de la SACHA






 
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