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Présentation du livre de Emmanuel Guillon, Art et Archéologie du Champa, sur le site internet de l’Union de la Presse Francophone.
20 juillet 2012



Il était une fois un empire oublié qui s’appelait le Champa… D’un long règne en Asie du Sud-Est, entre le IVe et le XVIIe siècle, subsiste aujourd'hui un collier de ruines enfouies dans la jungle, ornant la côte centrale du Vietnam de ses vestiges de kalans, ces mystérieux sanctuaires réduits à quelques tours de briques orange usées.

Les Cham ont aussi laissé des oeuvres d’art estimées, dispersées dans les musées ou les vitrines de quelques amateurs distingués. Mais ce grand peuple, repoussé par les Khmers à l’ouest, bousculé puis écrasé par les Viêt dans leur marche vers le
sud, finit, épuisé, par disparaître des mémoires.

Une centaine de milliers d’individus se rencontrent à présent dans des communautés dispersées entre Thaïlande, Cambodge et particulièrement au Vietnam où ils se singularisent par les traditions, le costume et surtout la religion hindouiste ou musulmane.

C’est sur la trace de ce monde perdu, à l’histoire encore quasiment ignorée, que nous entraînent l’inventaire et l’observation méticuleuse d'Emmanuel Guillon présentés dans Art et archéologie du Champa, éclairant un passé encore mythique, essentiel et méconnu de la péninsule indochinoise.

Repéré à la toute fin du XIXe siècle, le Champa soulève la curiosité des savants de la naissante École française d’Extrême-Orient, qui commencent à rassembler les pièces et inventorier les sites. Mais victime tour à tour du formidable engouement suscité par la révélation khmère d’Angkor, des longues guerres d’Indochine (1940-1975) et de la question complexe du rôle des minorités dans la lutte pour l’indépendance et la construction nationale, le passé cham retombe bien vite dans l’oubli.

C’est la paix revenue, que travaux et fouilles ont pu reprendre dans les années 1990 à partir des sites anciens, apportant un regard nouveau sur ce pan immense de l’histoire du Vietnam, qui offre désormais à une économie touristique en pleine croissance un argument de choix. Dans la région centre-sud du pays, de Phan Thiet à Da Nang, dans des zones souvent ravagées par les guerres, les monuments encore debout sont nombreux, comme à My Son ou Po Nagar. Et de nouveaux musées s’ouvrent sur les sites, complétant les très importantes collections héritées de l’administration française à Hanoi, Da Nang (ex-Tourane) et Ho Chi Minh-Ville (ex-Saigon).

Poursuivant à sa demande les travaux de Jean Boisselier (1912-1996), savant orientaliste et chercheur passionné de la civilisation cham, Emmanuel Guillon, philosophe et ethnologue de formation, a relancé l’aventure, posant dans son livre les questions d’aujourd’hui sur ce monde à peine approché hier. Il appelle à des fouilles nouvelles et minutieuses et suggère un élargissement géographique des recherches entre Indonésie et Birmanie.

Servi par les connaissances considérablement enrichies ces vingt dernières années, Art et archéologie du Champa est la première somme sur la culture effacée du Champa, ce qui en fait une base nouvelle pour la recherche historique.

L’usage croisé de toutes les disciplines, archéologie, épigraphie, géographie fait enfin apparaître parmi les vieilles pierres une vie foisonnante, un peuple original et une culture bien vivante, une civilisation à part entière qui rend au monde cham sa place et sa signification historique sans le réduire à une période seulement esthétique et légendaire de l’histoire de l'Asie du Sud-Est.

Jusqu’alors traitées en avatar de l’hindouisme, les qualités esthétiques des oeuvres cham, quand elles étaient identifiées, servaient plutôt la cotation marchande des pièces que la reconnaissance d’un peuple original et de son rôle historique. Il manquait au Champa les travaux solides garants de son existence « scientifique » et d’une « conscience » du Champa. En restaurant dans les mémoires l’existence de cette composante fondamentale, le livre d’Emmanuel Guillon ouvre de nouvelles pistes d’approche d’un pan non vietnamien de l’histoire du Vietnam qui participe totalement de sa culture. Un enrichissement considérable et fécond.

Tout cela est enregistré dans ce livre magnifique – riche de photos et plans, d’un inventaire exhaustif des sites connus, d’une bibliographie complète - qui ne doit pas seulement se laisser regarder, mais doit nourrir une curiosité et une réflexion sur un
passé immense et diversifié du Vietnam.

Emmanuel GUILLON, Art et archéologie du Champa. Une ancienne civilisation du Viet Nam,
éditions Picard, Paris, 246 p., 54 euros.






 
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